Cathédrale des saints Archanges

Cathédrale des saints Archanges Michel, Gabriel et Raphaël - rue Jean de Beauvais, Paris (Patriarcat de Roumanie) 

 

 

Six siècles d’histoire ! De la Chapelle Saint Jean du Collège de Dormans à la Cathédrale des Saints Archanges de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale --- Par le Père Jean Boboc – Novembre 2010

 

 

 

Située au centre du quartier latin, au pied de la montagne sainte Geneviève, entre la cathédrale Notre Dame, l’église saint Julien le Pauvre et le Clos des Bernardins, face à la Sorbonne, au Collège de France et à l’Abbaye de Cluny, bat le cœur de la spiritualité roumaine d’Europe occidentale dans un sanctuaire symbole de sa foi et de son indépendance.

 

 

De Charles V de France à Charles Ier de Roumanie

 

 

I. La période française

 

Erigée au XIVe siècle, la chapelle du Collège de Beauvais appartenait au Collège de Dormans fondé par le cardinal de Dormans qui devenu cardinal Jean de Beauvais en 1359, lui donna son nom. A la mort du cardinal, le roi de France Charles V prit le Collège sous sa protection et posa lui-même la première pierre de la chapelle, le 30 janvier 1374.

 

L’architecte du roi Charles V, Raymond du Temple, qui avait déjà œuvré au Louvre, dirigea les travaux, dont l’inspiration de la Sainte Chapelle est évidente par la simple nef, la voûte lambrissée et la flèche.

 

Parmi les élèves prestigieux de ce Collège, on compte Antoine Arnauld (1612-1694), le ‘‘grand Arnauld’’ des jansénistes et Isaac le Maistre de Sacy, le théologien de Port Royal des Champs.

 

La chute des jansénistes ne tarda pas à être suivie de celle des jésuites interdits en France par l’Edit Royal de 1764, entrainant des modifications statutaires qui incorporèrent le Collège de Dormans dans la nouvelle communauté étudiante de Louis-le-Grand.

 

Le Collège ainsi que sa chapelle finirent par être vendus.

 

La Révolution et son cortège d’horreurs : violences, vols, profanations de sépultures, destructions, graffitis blasphématoires, vandalisme, laissèrent la chapelle dans un état lamentable. Le Collège devint un lieu public, avant de devenir plus tard le siège militaire d’ateliers de confection d’uniformes sous Napoléon (1807) et d’être finalement transformé en caserne.

 

Le retour de la monarchie permit un court répit et le Collège de Beauvais amorça un renouveau de 1815 à 1830, date à laquelle la chapelle elle-même fut affectée à un usage militaire.

 

En 1865, l’achat de la Chapelle par les Dominicains la sauva de la fureur des démolisseurs. D’importants travaux furent entrepris, sauvetage de la flèche qui avait été saccagée, installation d’autels de pierre, remplacements des vitraux, travail dû au maître verrier Léon Tournel. Parmi les généreux donateurs, le prince-abbé Lucien Louis Bonaparte offrit entre autres le grand vitrail de la façade, (qui se trouve au-dessus de la porte).

 

Mais le décret du 29 mars 1880, ordonnant la dispersion de toutes les congrégations non autorisées, en chassa les Dominicains. Ceux-ci furent brutalement expulsés et évacués le 5 novembre 1880. Il en fut de même dans toute la France. Le dépérissement de ce haut lieu de spiritualité  devint inéluctable.

 

Les bâtiments furent acquis par deux israélites français qui après en avoir fait un dépôt de marchandises, les revendirent à la Couronne de Roumanie qui s’en porta acquéreur le 5 septembre 1882 et sauva de ce fait ce sanctuaire historique, qui depuis sa fondation par le roi de France Charles V, avait vécu tant d’événements spirituels et historiques.

 

II. La période roumaine

 

En 1839, s’était constituée à Paris la ‘‘Société des Etudiants Roumains de Paris’’, qui en 1845 devait avoir pour président d’honneur Alphonse de Lamartine, qui après son voyage d’Orient, était devenu le fervent défenseur des chrétiens massacrés par les Turcs.

 

Les révolutions nationales de 1848 et en particulier celle à laquelle avaient participé les Roumains firent rapidement grossir le flot de réfugiés et d’intellectuels roumains venus à Paris.

 

Dès 1853, une première communauté orthodoxe roumaine s’était donc formée sous la direction de l’archimandrite Josaphat Snagoveanu (1797-1872), figure religieuse et politique, emblématique de cette époque, se réunissant dans un appartement transformé en lieu de culte, rue Racine, dans le Ve arrondissement. C’est à cette même adresse que commença à paraître Buciumul, premier journal roumain de France. En 1856, l’archimandrite Josaphat fut l’un des signataires du mémorandum à Napoléon III, en tête aux côtés de N. Golescu, de J. Philipescu, de G. Cantacuzène, de P. Ghica et autres, demandant à l’empereur de réunir les Roumains en un seul état et suggérant d’y placer un prince issu « d’une famille souveraine amie de la Roumanie ». L’archimandrite Josaphat s’endormit à l’âge de 75 ans et fut inhumé au cimetière de Montparnasse.

 

Cette première chapelle orthodoxe roumaine s’avéra rapidement trop petite pour accueillir tous ses fidèles ; il fallut envisager l’achat d’une église. Ce souci du roi Charles Ier de Roumanie,fut confié à son ambassadeur Michel Phérykides qui signa l’acte d’achat de la chapelle du Collège de Beauvais, le 5 septembre 1882.

 

Après les importants travaux de restauration, la chapelle ayant été antérieurement transformée en dépôt, il fallut adapter le sanctuaire au culte orthodoxe. La responsabilité du transfert de l’église de la rue Racine à la rue Jean de Beauvais, échut au Père Jean Severin qui supervisa les travaux. On dota le sanctuaire d’une originale iconostase néogothique s’harmonisant avec l’architecture générale, d’un mobilier sculpté et d’icônes offertes par de grandes familles roumaines. La consécration par l’évêque Inochentie Ploieşteanul eut lieu le 31 mai 1892, plaçant cette église orthodoxe sous la protection des Saints Archanges Mihaïl, Gavriil et Rafail, traditionnels protecteurs des pays roumains, ainsi que de celle de saint Jean l’évangéliste auquel, la chapelle avait été autrefois consacrée. Les saints Archanges sont représentés sur plusieurs icônes, dont une magistrale en argent sur l’iconostase ainsi que sur la mosaïque de style byzantin du tympan.

 

De ce moment à la seconde guerre mondiale, l’église des saints Archanges fut desservie par nombre de prêtres et d’ecclésiastiques de valeur et de renom, auteurs d’ouvrages théologiques, dont beaucoup accédèrent ensuite à l’épiscopat en Roumanie.

 

L’issue de la seconde guerre mondiale, l’occupation de la Roumanie par les Soviétiques et l’installation du régime communiste, causèrent d’irréparables dommages et entrainèrent de tragiques conséquences pour la vie de l’Eglise en général, pour son unité et en particulier pour l’Eglise des saints Archanges qui devint de ce fait, le foyer de résistance spirituelle contre l’oppression athée. Rapidement, l’Eglise devint celles des réfugiés et de l’exil, qui lui imprimèrent un sceau dont elle reste  à jamais marquée.

 

Dès 1948, à la mort fort suspecte du Patriarche Nicodème, le régime communiste tenta de récupérer l’Eglise de Paris au motif d’en faire un musée et ne cessera de poursuivre ses manœuvres par le biais de son ambassade, de ses agents de la Securitate en soutane, par menaces, procès, chantages et intimidations. Seules, de très fortes personnalités pouvaient faire front à cette pression permanente. Ce fut le cas de deux figures exceptionnelles, l’archevêque Vissarion (Puiu) et le Révérend Père Vasile Boldeanu.

 

Grande figure de l’Eglise roumaine, condamné à mort par les communistes en 1946, Mgr Vissarion (Puiu) (1879-1964) arriva en France et fonda immédiatement à Paris en 1947, l’Association pour la Pratique du Culte Orthodoxe Roumain (APCOR) qui administre encore aujourd’hui l’Eglise, puis en 1949, en tant que métropolite, fonda et organisa le Diocèse Orthodoxe Roumain d’Europe Occidentale avec siège à Paris, l’Eglise des saints Archanges devenant cathédrale métropolitaine. La rupture avec l’Eglise mère, prisonnière du régime communiste était consommée.

 

En 1957, le Révérend Père Vasile Boldeanu, lui aussi condamné à mort par le régime communiste, accepta la charge de supérieur de la communauté roumaine et ce jusqu’en 1985. Figure héroïque d’un prélat exemplaire, consumant ses forces morales et physiques au service de l’Eglise et à la défense de l’honneur national dans des procès iniques suscités par le régime communiste allié en France à des forces plus ou moins occultes. Devenu une figure nationale de l’exil, le Révérend Père Vasile Boldeanu fut toujours entouré de fidèles compagnons qui surent l’aider dans sa mission.

 

A côté d’une foule plus anonyme, une pléiade d’intellectuels, d’artistes, de personnalités de tous les horizons, ont prié dans cette église : Le roi Michel de Roumanie, la reine Anne, la princesse Margarita, l’écrivain Virgil Gheorghiu, prix Goncourt pour son roman La vingt cinquième heure, devenu prêtre en cette même église, l’historien des religions, Mircea Eliade qui fut conseiller paroissial, l’académicien Eugène Ionesco qui sut si bien intervenir pour la défense de cette église, le philosophe Emil Cioran, le père de la sculpture contemporaine, Constantin Brancuşi, qui y fut chantre et sous-diacre, le compositeur Georges Enesco, l’ingénieur de l’aéronautique, Henri Coanda, pionnier du moteur à réaction, Elvire Popesco qui charma les scènes parisiennes, etc…toute une lignée de représentants de l’authentique culture roumaine prenait la relève des personnalités des  générations d’avant guerres…

 

En 1998, l’Eglise des Saints Archanges quitta la juridiction canonique de l’Eglise Orthodoxe Russe en Exil et se plaça de 2000 à 2009, sous la juridiction de Mgr  Nathaniel, Archevêque de Detroit et de L’Episcopat Orthodoxe Roumain d’Amérique, qui avait succédé à Mgr Valerian Trifa. Durant cette période, le Révérend Père Petre Popescu de Montreal fut le Vicaire de l’Eglise des saints Archanges et le Révérend Père Gheorghe Calciu Dumitreasa entoura la communauté de sa bienveillance pastorale.

 

La fin du régime communiste en Roumanie, permit de renouer des liens avec l’Eglise mère. Ainsi, d’importantes cérémonies religieuses eurent lieu dans l’ancienne cathédrale métropolitaine du métropolite Vissarion avec la participation d’évêques  roumains de toute la diaspora (2004). Puis ce fut l’ordination épiscopale de Mgr Marc Nemţeanul, en 2005, comme évêque vicaire de la métropole d’Europe occidentale et méridionale, en présence du métropolite Daniel de Moldavie, futur et actuel Patriarche. La célébration en 2007, du 125e anniversaire de l’acquisition de l’Eglise donna lieu à de grandes festivités. Enfin la reconnaissance tant par l’Eglise mère que par le gouvernement roumain des torts et des souffrances causés à cette communauté leva tous les obstacles à la réconciliation et à l’union.

 

Le 10 mai 2009, date symbolique par excellence où les Roumains fêtent la trilogie de l’intronisation du roi Carol Ier, de l’Indépendance Roumaine et de la création du Royaume de Roumanie, les assemblées générales extraordinaires des Associations votèrent à l’unanimité le passage sous la canonicité du Métropolite Iosif, Métropolite de l’Église Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale, avec la bénédiction de Mgr Nathaniel des Etats Unis. Ainsi, après 60 ans de séparation, l’Eglise des saints Archanges, cathédrale métropolitaine d’Europe occidentale du Métropolite Vissarion est devenue la Cathédrale métropolitaine de la Métropole d’Europe Occidentale et Méridionale du Métropolite Iosif qui lui succède.

 

Le 12 juillet 2009, entouré de Son Éminence le Métropolite Iosif et de métropolites et évêques venus de Roumanie, des Etats Unis et d’Europe et d’un grand nombre de prêtres, au milieu d’une foule de fidèles, le nouveau patriarche de Roumanie, Sa Béatitude Daniel, a re-consacré le sanctuaire tout juste restauré et y a déposé les saintes reliques des premiers  martyrs morts en terre roumaine.

 

Père Jean Boboc – novembre 2010

 

Le visiteur admirera :

1.  La nef, dont l’inspiration est celle de la sainte Chapelle.

2.  La voûte de lambris, constellée de croix.

3. L’iconostase néogothique.

4. Les vitraux du maître verrier Léon Tournel, de facture dominicaine.

5. La mosaïque du tympan, représentant les trois saints Archanges, protecteurs du sanctuaire.

 

Le fidèle se recueillera devant :

6. Les 4 grandes icônes au parement d’argent. (Atelier Terzi, Bucarest)

7. L’icône de saint Jean l’évangéliste placée sur un lutrin, à droite de l’iconostase.

8. L’icône de sainte Parascheva, protectrice de la Moldavie, à gauche sous la chaire.

9. L’icône récente de saint Jean (Maximovitch) (1896-1966), qui a célébré en cette église (1954) et qui a été canonisé en 1994. 

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